Présentation de la journée

À l’occasion des dix ans de la JEMMA, l’édition 2022 se propose d’explorer un thème fondamental de la pratique de la recherche scientifique : la notion de « trace » que Marc Bloch définit comme « la marque, perceptible aux sens, qu’a laissée un phénomène en lui-même impossible à saisir[1] ». En 2016, dans un article intitulé « Traces ? Quelles traces ? Réflexions pour une histoire non passéiste », Joseph Morsel questionne le rapport entre source et histoire, affirmant que « la définition de l’histoire en tant que “connaissance par les traces” constitue certainement l’une des évidences les mieux enracinées dans les représentations historiennes[2] » qui, à ce titre, mérite d’être questionnée. En effet, « les métaphores de la lecture ou du déchiffrement des traces ne doivent […] pas tromper : les traces ne sont pas des signes (qui normalement renvoient automatiquement et directement au référent), elles doivent être découvertes, recueillies et dotées d’un sens, c’est-à-dire transformées rétrospectivement en signes (alors que les signes « normaux » possèdent d’emblée cette attribution sémiotique)[3] ». Ainsi, en élaborant un dispositif pour rendre visible l’invisible, le chercheur produit de la trace : le document-trace ne le devient que par l’observation et le discours qui en découle. L’histoire est donc bien une « connaissance par traces », non pas au sens de trace-empreinte – c’est-à-dire une impression inintentionnelle rendant compte d’une absence due à la disparition irrémédiable de la matrice – mais de trace construite par l’historien lui-même. À partir de ce constat, cette journée d’études propose d’explorer les dispositifs élaborés par les jeunes chercheurs en sciences de l’Antiquité du Master Mondes Anciens pour faire des sources auxquelles ils sont confrontés, des écrits aux vestiges archéologiques, des traces des sociétés anciennes.

[1] Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, Paris : Armand Colin, 1949, p. 21.

[2] Joseph Morsel, « Traces ? Quelles traces ? Réflexions pour une histoire non passéiste », Revue Historique, octobre 2016, vol. 680, p. 813-868, cit. p. 813. L’expression « connaissance par les traces » est attribuée par erreur par Marc Bloch à François Simiand mais qu’il emprunte à Charles Seignobos et consacrée plus tard par Charles-Victor Langlois.

[3] Ibid., p. 835.

 

Plus d'informations sur le JEMMA : https://jemma.hypotheses.org/

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